Chaufferie de la Défense : une affaire de corruption annulée après 20 ans de procédure

Article du Canard Enchainé du 22 septembre 2021 écrit par Marine Babonneau


Article du Monde du 22 septembre 2021 écrit par Jean-Baptiste Jacquin

La cour d’appel de Versailles a confirmé, le 15 septembre, l’annulation du procès prononcée en janvier. Les juges ont étrillé la procédure.

Ce cas d’école mériterait de figurer au programme de l’Ecole nationale de la magistrature. Il s’agit de l’affaire de corruption présumée autour de l’attribution, en 1998, du marché du chauffage urbain et de la climatisation du quartier d’affaires de la Défense (Hauts-de-Seine), une opération de plusieurs centaines de millions d’euros. Après vingt ans de procédure, ce dossier se conclut par l’absence de procès.

L’autopsie de ce fiasco judiciaire a été détaillée, comme rarement par la justice elle-même, dans un arrêt rendu mercredi 15 septembre par la cour d’appel de Versailles. Elle confirme l’annulation du procès prononcée en janvier par le tribunal de Nanterre en raison d’une procédure ayant « excédé un délai raisonnable » et au final de l’impossibilité de faire droit au principe d’un « procès équitable ».

Les juges d’appel ont fait le procès de la procédure. Juges d’instruction et procureurs, sans doute confrontés aux mêmes questions de moyens que partout, ont brillé par leur incapacité à faire les choix susceptibles de faire avancer le dossier. Article réservé à nos abonnés

Six juges d’instruction se sont succédé entre 2002 et 2019 mais aucun acte d’instruction n’a été mené pendant les quatre premières années de l’information judiciaire. Seul le quatrième magistrat instructeur, resté six ans en poste, a fait avancer le dossier… retombé en sommeil pendant les huit années suivantes, constate la cour d’appel.

Une lenteur que rien ne justifie. « La nature des infractions poursuivies [corruption, faux et usage de faux, abus de bien sociaux et recel] et le nombre de personnes mises en cause [six] ne présentaient ni un caractère exceptionnel, ni des ramifications internationales nombreuses, la structure et les modalités du pacte corruptif présumé ayant été décrites dès les trois premières années de la procédure », lit-on dans cet arrêt.

Le principal accusé est décédé en 2019 à 94 ans, tandis que pouvaient encore être jugés, en 2021, dans ce dossier un homme de 99 ans, aux capacités cognitives diminuées, un autre de 83 ans, atteint de la maladie de Parkinson à un stade avancé, et les seconds couteaux. De plus, déplore la cour d’appel, des confrontations entre protagonistes, qui auraient pu éclairer un tribunal à défaut d’entendre lui-même les personnes, n’ont pas été ordonnées pendant l’instruction. Bref, le débat contradictoire, essence même d’un procès équitable, ne pouvait plus se tenir.

Malgré ce gâchis, le parquet général a saisi la Cour de cassation d’un pourvoi.

Article en ligne : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/21/chaufferie-de-la-defense-quand-des-magistrats-detaillent-un-fiasco-judiciaire_6095431_3224.html


A écouter également, le premier podcast du site France Corruption qui est une « une revue de presse aussi exhaustive que possible des faits d’actualité liés à la corruption en France ».

France Corruption « Les Ceccaldi à Puteaux et la Chaufferie de la Défense » – 27 septembre 2021

Lien de téléchargement : https://open.acast.com/public/streams/5abdfaacdd30d7a452caa948/episodes/61503afa9de1aa0013021c4a.wav